The Project Gutenberg eBook of Poésies religieuses, by Paul Verlaine.
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Title: Poésies religieuses
Préface de J. K. Huÿsmans
Author: Paul Verlaine
Contributor: Joris-Karl Huysmans
Release Date: December 28, 2019 [EBook #61039]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES RELIGIEUSES ***
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PAUL VERLAINE
POÉSIES RELIGIEUSES
PRÉFACE de J.-K. HUŸSMANS
PARIS
LIBRAIRIE LÉON VANIER, ÉDITEUR A. MESSEIN Succr
19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
MCMIV
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Du sens religieux de la poésie.
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IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE LIVRE:
15 exemplaires sur Hollande Van Gelder, numérotés de 1 à 15
PRÉFACE DE
J.-K. HUŸSMANS
Mon intention n'est pas, en ces quelques
pages, de parler, au point de vue littéraire, de
l'œuvre de Verlaine. Cette étude a été mainte fois
faite et, moi-même, il y a bien longtemps, en
1884, dans «A Rebours», alors que personne ne
se souciait de l'écrivain disparu dans une tourmente,
j'ai noté et tâché d'expliquer l'œuvre singulière de
cet homme qui, après Victor Hugo, Baudelaire et
Leconte de Lisle, est un de ceux dont l'influence fut
la plus décisive sur la génération des poètes de
notre temps.
Aujourd'hui, à propos de ce recueil de vers exclusivement
religieux, extraits des volumes de «Sagesse»,
d'«Amour», de «Bonheur», de «Liturgies
intimes» auxquels sont jointes quelques
pièces posthumes, je voudrais simplement m'occuper
de Verlaine, au point de vue catholique,
essayer de dissiper le malentendu qui existe entre lui
et les fidèles restés défiants pour sa personne et pour
ses livres, faire comprendre, si cela était possible,
qu'il ne fut pas l'impénitent pécheur qu'ils présument,
affirmer enfin que l'Église a eu en lui le
plus grand poète dont elle se puisse enorgueillir,
depuis le Moyen-Age.
Unique, en effet, à travers les siècles, il a retrouvé
ces accents d'humilité et de candeur, ces
prières dolentes et transies, ces allégresses de petit
enfant, oubliés depuis ce retour à l'orgueil du paganisme
que fut la Renaissance.
Et cette ingénuité presque populaire, cette contrition
si vraiment touchante, il les a traduites dans
une langue étrangement évocatrice, avec ses détours
et ses ellipses, une langue très peu compliquée et
très bistournée, à la fois, usant de rythmes nouveaux
ou rajeunis, achevant, après Victor Hugo et
de Banville, de rompre les anciens gaufriers de la
métrique, pour y substituer des moules d'une forme
très particulière, des estampes très spéciales, aux
touches à peine appuyées, aux empreintes tout juste
perçues.
Parti, de ses premiers essais, de Baudelaire et de
Leconte de Lisle, en quelques poèmes de Banville
et, pour l'expression un peu mièvre de certaines
doléances de sentiments humains, de Mme Desbordes-Valmore
qu'il admirait peut-être plus que de raison,
Verlaine n'avait pas tardé à secouer l'inévitable joug
des débuts et sa personnalité s'était résolument attestée
«lorsqu'il avait su exprimer de délicieuses
confidences, à mi-voix, au crépuscule; seul, il avait
su laisser deviner certains au-delà troublants d'âme,
des chuchotements si bas de pensées, des aveux
murmurés, si interrompus que l'oreille qui les percevait
demeurait hésitante, coulant à l'âme des langueurs
avivées par le mystère de ce souffle plus deviné
que senti».
Et je citais en exemple, à la suite de ces lignes
d'«A Rebours», une strophe célèbre maintenant
des «Fêtes galantes». L'on pourrait y ajouter le
sonnet des «Poèmes saturniens» «mon Rêve familier»
dont le tercet final est une décisive merveille:
Son regard est pareil au regard des statues
Et pour sa voix lointaine et calme et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Mais il n'a point usé que dans ses pièces profanes
de ce mode d'enchantement; nous le retrouvons dans
«Sagesse», au cours même des vers compris
dans le présent volume.
Et l'air a l'air d'être un soupir d'automne
Tant il fait doux par ce soir monotone
Où se dorlote un paysage lent.
Et ceux-ci encore:
C'est vers le Moyen-Age énorme et délicat
Qu'il faudrait que mon âme en panne naviguât
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.
Ne dégagent-ils pas les derniers vers de ces deux
tercets une sorte de langoureuse consomption et de
mélancolique vertige qui agit de même qu'une incantation
dont l'occulte sortilège nous échappe?
Évidemment, Verlaine est de tous les poètes celui
qui est allé jusqu'aux extrêmes confins de la poésie,
là où elle s'évapore et où l'art de la musique commence.
Victor Hugo, Théophile Gautier, Leconte de
Lisle, de Banville, pour en citer quatre, se sont
avancés, eux, jusqu'aux limites de la littérature et
ont atteint la frontière de la peinture. Leurs mots
peignent, suggèrent, mieux peut-être que les couleurs
matérielles des peintres, les teintes et les
lignes. Verlaine par une autre route a rejoint les
douaires de l'art musical qui, plus éloquent par la
force de son expression, pour traduire les cris de
la douleur et de la joie, de l'admiration et de la
crainte, est aussi, à cause même de ses contours
imprécis et flottants, plus apte que la poésie à exprimer
les sensations confuses de l'âme, ses vagues
appétences, ses fugaces aises, ses subtils tourments.
La personnalité de Verlaine était entière déjà dans
ses premiers livres; il l'a gardée intacte après sa
conversion; il a mis au service de son repentir cette
forme acquise et qui était toute prête et plus appropriée
que toute autre pour narrer les attendrissantes
douceurs des Retours et il a pu présenter ainsi à
Celui qui pardonne un bouquet de fleurs mystiques
d'un tel arôme qu'il faut, pour en découvrir un autre
aussi délicieusement odorant, remonter au temps
de François Villon et aussi de Gaston Phœbus, de
ce comte de Foix dont les prières sont de si familières
excuses et de si touchantes plaintes.
Je n'ai pas à raconter ici la vie de Verlaine; il l'a
décrite, en partie, lui-même, dans le verbiage d'une
prose plus incorrecte encore que badine; il suffit
de noter que dans l'une des plus sinistres crises de
son existence, il se convertit.
Cette conversion qui eut lieu, pendant sa détention
à la prison de Mons, il l'a relatée dans un volume
intitulé «Mes Prisons».
«Jésus, dit-il, comment vous y prîtes-vous pour me prendre? ah!
«Un matin, le bon directeur lui-même entra dans ma cellule:
«Mon pauvre ami, me dit-il, je vous apporte un mauvais
message; du courage, lisez.
C'était un jugement de séparation de corps et de
biens prononcé contre lui en faveur de sa femme
par le tribunal civil de la Seine.
Et Verlaine ajoute:
«Je tombai en larmes, sur mon pauvre dos, sur mon
pauvre lit.»
Et, en une sorte de coup de fouet, la première
stupeur passée, il se prosternait aux pieds du crucifix
et, avec l'aide d'un brave prêtre, l'aumônier
de la maison qui le confessa, il renversa de fond en
comble sa vie.
C'est alors qu'il écrivit «Sagesse».
Sa peine d'emprisonnement purgée, il quitta la
Belgique et revint en France. Le public ne le connaissait
guère.—Personne ne se douta qu'une librairie
catholique venait de faire paraître ce livre
admirable, né dans une prison. «Sagesse» fut à
peine mis en vente, si toutefois il le fut; son titre
ne fut même pas inscrit sur les catalogues de la pieuse
librairie qui se borna à mettre simplement sur la
couverture sa marque et son nom. Puis, peu à peu
ce recueil s'insinua dans le monde des lettres et fut
lu par les profanes; les catholiques continuèrent de
l'ignorer et lorsque, plus tard, quelques-uns s'aventurèrent
à le lire, les bruits les plus fâcheux couraient
sur le compte du malheureux poète. On parlait
d'ivrognerie, de fréquentations inavouables, de
séjours dans des hôtels louches, de stages dans les
hôpitaux; il n'en fallut pas davantage pour faire
nier l'authenticité d'une conversion très réelle,
pourtant, n'en déplaise à cette atrabilaire ganache du
nom de Doumic qui ne veut y voir «qu'une forme
de l'énervement, qu'un cas de sensualité triste».
Pourquoi ne pas le dire, la situation d'outlaw de
Verlaine dans le monde des croyants qui ne l'a pas
lu, dure encore. J'ai entendu de braves gens déplorer
même que l'on osât s'entretenir de poésie religieuse
à propos d'un homme qu'une autre acariâtre mazette,
un sieur Mordau, médecin juif et monomane
de la folie, représentait «comme un effrayant dégénéré
au crâne asymétrique et au visage mongoloïde,
un vagabond impulsif et un dipsomane qui a
subi la prison pour un égarement érotique, un
rêveur émotif, débile d'esprit, qui lutte douloureusement
contre ses mauvais instincts et trouve dans
sa détresse parfois des accents de plaintes touchantes,
un mystique, dont la conscience fumeuse est parcourue
de représentations de Dieu et de ses saints,
un radoteur dont le langage incohérent, les expressions
sans signification et les images bizarres révèlent
l'absence de toute idée nette dans l'esprit».
Dans ce portrait où le médicastre allemand assouvit
surtout sa haine contre les mystiques qu'il
traite «d'ennemis de la Société de la pire espèce»,
il ressort malgré tout cette vérité que «Verlaine
lutta douloureusement contre ses mauvais instincts».
Oui, il a lutté; il a été, la plupart du temps, vaincu;
et après? quel est le catholique qui se croirait le
droit de lui jeter la première pierre?
Et c'est à cela que j'en voulais venir, pour tâcher
d'expliquer la bonne foi du poète et les difficultés
matérielles qui surgirent lorsqu'il désira s'évader de
cette geôle de vices qui le détint jusqu'à sa mort.
Verlaine, nous l'avons dit, s'est converti sous le
coup d'une implacable souffrance; c'est un des
moyens dont Dieu se sert le plus souvent pour
ramener à lui les âmes. «La bonne souffrance»,
elle a été célébrée en de très émouvantes pages par
un autre bon poète, François Coppée qui s'est, lui
aussi, converti sous l'empreinte de la douleur, après
une autre vie, par exemple!
La conversion de Verlaine fut donc entière. Il
vécut alors dans sa cellule l'existence nouvelle des
péchés déliés par le repentir et absous par le pardon;
il ne fut plus le prisonnier mécontent des hommes
mais le captif énamouré de Dieu; il éprouva les
douceurs de cet été de la Saint-Martin de l'âme que
le Seigneur réserve à la vieillesse rajeunie des siens;
ce furent, pendant des semaines, des effusions de
prières, des joies mouillées de larmes; comme tous
les convertis, il fut gâté par la Vierge, roulé dans
des langes de tendresse; il eut une avance d'hoirie
sur les allégresses du ciel et il finit par juger la
peine de sa détention trop courte. Aussi peut-on
affirmer que sa résolution de vivre désormais honnêtement
fut sincère.
Cette résolution, il l'a mal tenue, mais ses rechutes
se comprennent pour peu que l'on veuille y réfléchir.
Personne ne fut plus mal armé que lui pour la
lutte. Il était un grand enfant dont les accès de
volonté ne duraient point. Il était, avec cela, jusqu'à
un certain point, inconscient, lorsqu'il avait bu;
c'est là, disons-le, la véritable cause de ses malheurs;
il était épris des vertiges que suscite l'ingestion de
cette sorte d'eau de bain de Barèges anisé, qui
s'appelle l'absinthe; elle décageait, en lui, hélas!
une bête malfaisante livrée sans défense à l'Esprit
du Mal. Il le déplorait, se jurait de ne plus reboire
et il rebuvait. Il n'eût pas certainement commis à
jeun ces excès qui éloignèrent justement de lui sa
femme et légitimèrent sa villégiature dans une maison
de force. Pauvre Verlaine! en une page où il
remâche les herbes amères du passé, il s'écrie:
«cette absinthe, quelle horreur! quand j'y pense
d'alors… et d'un depuis qui n'est pas loin, assez
loin pour ma dignité, pour ma santé, pour ma dignité,
pourtant plus encore, quand j'y pense vraiment!»
Il est évidemment facile pour les gens sobres de
déclarer que l'on peut se guérir de cette maladie.
Cela est possible, mais alors il aurait fallu que
Verlaine vécût dans un autre milieu et cela, il ne
le pouvait pas.
Si vous envisagez, en effet, sans parti-pris, sa
situation, vous reconnaîtrez qu'il lui était bien malaisé
de sortir de l'impasse où la misère l'avait acculé.
Il n'avait aucune fortune et était incapable de
gagner son pain avec sa plume. Si beaux qu'ils
soient, les volumes de vers n'alimentent point, à
de rares exceptions près, leurs auteurs. Il écrivait,
d'autre part, assez mal en prose et n'était nullement
journaliste. Il ne pouvait donc songer à s'assurer
la pâtée et le gîte, en plaçant des articles.
Il fallait alors, direz-vous, qu'il fît comme tant
d'autres, qu'il exerçât une profession plus ou moins
lucrative pour subvenir à ses besoins? Eh! il a donné,
après son retour de Belgique, des leçons! mais ce
morne négoce fut bientôt arrêté par l'état précaire
de ses jambes. Ravagé par les rhumatismes, il claudiquait,
se traînait sur une canne, restait, pendant
des mois, étendu sur le dos, n'avait en dernière
ressource que l'hôpital, lorsque ses infirmités s'aggravaient
trop.
La misère, d'autre part, l'obligeait à loger dans
des hôtels indignes et à subir des promiscuités dont
il devait presque se montrer reconnaissant. Les
filles du peuple, si tombées qu'elles puissent être,
ont très souvent bon cœur. Ses voisines de chambre
prirent sans doute parfois pitié de cet impotent et,
entre deux promenades, s'installèrent chez lui pour
qu'il s'ennuyât moins. Il en était de même des bohêmes
désœuvrés du quartier latin. Fiers de fréquenter
un homme dont le nom était connu, ils
tuaient le temps près de son lit; et c'étaient des
prétextes à boire, encouragés peut-être par le crédit
des tenanciers de ces sortes de bouges dont le bas est
d'habitude occupé par un comptoir où se débitent
des verres de folie liquide pour quelques sous.
Comment le malheureux eût-il fait pour se soustraire
à ces jougs quasi charitables et comment,
une fois sur pieds, eût-il pu repousser l'amitié de
gens qui lui avaient rendu de petits services, alors
qu'il était alité, dans l'impossibilité de se remuer?
Ses traverses viennent aussi de là; la tentation
alcoolique et charnelle était trop proche, trop continue,
pour qu'il n'y cédât point.
Il eût fallu l'arracher de ces guêpiers, mais on l'y
rencontrait rarement seul et il était difficile de lui
montrer sa déchéance dans ce milieu de ribotes
dont le contact suggérait aussitôt, si peu bégueule
que l'on fût, une idée de fuite. Quelques amis plus
sûrs tâchèrent cependant de le sauver, mais ils
furent assourdis par l'antienne sans cesse répétée des
brindes; et, d'ailleurs, on doit l'avouer, sous la pression
des vapeurs de l'absinthe, Verlaine était indocile
et buté; non, ce qu'il eût fallu, c'eût été de
trouver un prêtre, embrasé par l'amour des âmes,
qui pût prendre de l'influence sur lui et l'accueillir,
comme la brebis perdue, lorsque, ayant recouvré la
raison et las de lui-même, il s'acheminait en boitant
vers l'Église. Dieu ne lui a pas dispensé ce prêtre…
Et puis… et puis… le goût de la solitude qui
l'aurait pu préserver de ces hontes, est rare même
chez ceux dont l'existence est, et réglée et douce.
C'est une chose bien frappante que de voir, chez les
artistes surtout, combien peu peuvent rester seuls
avec eux-mêmes dans une chambre. Le besoin de
causer, de se divertir les obsède à un tel point qu'ils
préfèrent la compagnie du premier venu au silence
de l'isolement. Un peu de vanité aussi, sans doute,
s'en mêle, le désir de briller entre confrères et d'étonner,
le prétexte même, parfois plausible, de faire
jaillir des idées et des expressions, en vue d'un travail
à entreprendre, dans le ferraillement des controverses
et l'escrime des mots.
Mais la solitude, excellente pour quelques-uns,
est, il sied de l'ajouter, pernicieuse pour beaucoup
d'autres. L'aurait-elle été pour Verlaine? il le croyait;
dans un de ses livres, il l'invective, déclarant
«qu'elle porte malheur et est, par précellence,
mauvaise, détestable, abominable conseillère».
Elle ne l'eût pas plus mal conseillé, en tout cas,
que ce genre de monde qui l'entourait et au café et
au lit!
Mais d'abord, nous l'avons expliqué, l'isolement
dans un hôtel était—qu'il lui plût ou non—impossible;
dans les garnis de bas étage où les infirmités
vous clouent, dans la misère qui vous oblige
à des crédits et à des emprunts, l'on subit plus sa
destinée qu'on ne la fait.
Telle fut sa situation. Je n'ai pas à excuser ses
passions maladives, j'ai à dire simplement—puisque
ce volume s'adresse exclusivement aux catholiques—que
le pauvre Verlaine fut plus à plaindre
qu'à vitupérer. Il fut d'autant plus à plaindre qu'il
avait des réveils de conscience, des remords, qu'il
souffrait de cette existence à jamais gâchée. Ah!
soyez assurés qu'il n'était point, dans ses moments
lucides, altier et céruléen! il pleurait de dégoût sur
lui-même; peut-être même buvait-il alors, comme
tant d'autres, pour oublier.
Il ne se reprenait vraiment qu'en prison ou à
l'hôpital; là il était bridé; c'est dans ces géhennes
qu'il a composé ses poèmes mystiques; et l'on en
arrive à regretter—et pour lui et pour nous—qu'il
n'ait pas été plus souvent séquestré; mais
voilà un souhait dont il nous eût été, de son vivant,
peu reconnaissant, je suppose.
Les catholiques savent maintenant à quoi s'en
tenir. Ils ont affaire à un homme plus malheureux
que coupable et qui mérite toute leur pitié. Il fut
un peu, de même que Villon, le faune des mauvais
gîtes, mais, ainsi que lui, il eut la foi et il a magnifiquement
chanté le Refuge des pécheurs, la
Vierge.
Je ne veux plus penser qu'à ma Mère Marie,
Siège de la sagesse et source des pardons.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Marie immaculée, amour essentiel,
Logique de la foi cordiale et vivace,
En vous aimant, qu'est-il de bon que je ne fasse,
En vous aimant du seul amour, Porte du ciel?
Et encore:
Marie, ayez pitié de moi qui ne vaux rien.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ah! vous aimer, n'aimer Dieu que par vous, ne tendre
A Lui qu'en vous, sans plus aucun détour subtil
Et mourir avec vous tout près. Ainsi soit-il!
Mais, à quoi bon citer des fragments? ces pièces
figurent au complet dans ce volume et jamais de
plus touchantes louanges n'ont été tressées à la
gloire de Celle qui prépare les voies et remet les
âmes à la fois lénifiées et éplorées, entre les mains
de son Fils.
Elle fut généreuse pour lui et il lui demeura
fidèle. Toutes ses chutes ne l'empêchèrent pas de la
prier; et, en vérité, ce sont de splendides gerbes de
prières que ces poésies d'humilité, que ces chants
d'amour, bondis d'une âme où, en dépit de tant de
fautes, le Seigneur s'est plu.
Et cela se conçoit. Jésus n'avait-il pas fait, de
cette âme débile, une âme prédestinée, une âme
d'élection; ne lui avait-il pas départi le don superbe
de la poésie, car Verlaine ne fut pas, comme
tant de grimauds de nos jours, un versificateur plus
ou moins adroit mais bien un vrai et un grand poète.
Et, à ce propos, une réflexion étrange, désagréable
même, si l'on veut, s'impose. Il semble que les seuls
gens de talent qui existent parmi les catholiques,
soient des convertis, à commencer par Châteaubriand
et par Veuillot. Il est à remarquer aussi que
tous ceux qui ont utilement défendu l'Église et sa
politique, n'ont pas été élevés par elle. Lacordaire,
de Montalembert, de Falloux, de Broglie, Hello,
Coppée, Drumont, Brunetière, sont tous sortis de
l'Université, pas un seul des écoles cléricales. Mais
alors cette impuissance des disciples des congréganistes
à quoi tient-elle?
Elle tient, je présume, à l'esprit étroit, au bégueulisme
fou, à la crainte des idées, à la panique
des mots; on leur cache tout de la vie et on les
apeure avant de les lancer dans la mêlée. Ils ont,
avec cela, le sentiment religieux amorti par l'accoutumance;
ils perdent les forces Eucharistiques par
l'abus qu'ils en font; ils ne croient plus que par
routine et, pris de scrupules, à la pensée de se défendre,
ils se terrent, n'osant bouger, de peur de
pécher contre la charité ou de perdre leur reste de
foi; ou bien alors, ils sautent d'un extrême à
l'autre, se révoltent et n'ont plus qu'un but, se
venger sur leurs maîtres de la compression qu'ils
ont, pendant toute leur jeunesse, subie.
Si nous nous plaçons, au point de vue plus particulier
de l'art, nous pouvons convenir qu'il est à
peu près impossible à des hommes disciplinés de la
sorte de dégager le talent dont ils pourraient être
nantis, de sa bulbe. Le talent a besoin pour jaillir
de stimulants; il a besoin aussi pour pousser de
grand air. C'est en lisant et en regardant autour de
soi, sans baisser continuellement les yeux, que l'on
se façonne des idées et que l'on acquiert une forme.
Il est donc indispensable d'étudier au moins le
style des auteurs profanes, puisqu'ils sont les seuls
qui en aient un; les autres ignorent la moitié des
mots de la langue française et ils en sont encore à
rabâcher l'idiome épuisé et corrompu par les redites,
du XVIIe siècle.
L'Église n'a, par conséquent, en fait d'artistes,
que ceux qui viennent à elle, équipés de toutes
pièces et qui mettent les armes dont ils ont appris à
se servir dans le camp opposé, à son service. Il
faut avoir vécu pour pouvoir écrire. Mais alors, le
talent serait le fruit du péché? je veux m'efforcer de
ne point le croire; mais si nous admettions, pour
une minute, la véracité de cette hypothèse, quelle
miséricorde et quelle indulgence devraient avoir les
catholiques pour ces pauvres convertis auxquels
Dieu a réparti de si périlleux dons!
Pour être juste, il sied de convenir qu'à l'heure
actuelle, un souffle de liberté et de franchise a
quand même pénétré dans les écoles congréganistes
et dans les séminaires. Nombre de jeunes gens refusent
de se laisser crever littérairement les yeux et
ils n'en sont plus, pour étancher leur soif de poésie
religieuse, à tourner le robinet des eaux tièdes de
Lamartine; j'en sais qui lisent avec délices les
œuvres mystiques de Verlaine.
Dans la tempête rationaliste si maladroitement
déchaînée sur ces pieux asiles, ces lectures ne
peuvent être que roboratives et salutaires, car elles
effluent, à pleines pages, la bonne simplesse et la
foi.
Des pièces admirables, telles que cette série
de sonnets dans lesquels le poète raconte les
entretiens de l'âme avec Dieu, raffermiraient vraiment
les ferveurs ébranlées et c'est pourquoi nous
croyons accomplir une bonne œuvre en éditant ce
livre.
C'était, il y a bien longtemps déjà, le souhait du
P. Pacheu qui, dans un volume intitulé «de Dante
à Verlaine», avait pris courageusement la défense
de l'artiste, alors qu'il était honni par le clan impeccable,
comme on sait, des catholiques.
Demandant un recueil des poésies religieuses de
Verlaine, il disait: «Cette meilleure part de lui-même,
cette chapelle offusquée par des masures
mal famées, il faut la dégager de ses entours, pour
la sauver de l'oubli».
Ainsi fut fait.
Verlaine est maintenant mort, il a trépassé chrétiennement,
avec l'aide d'un prêtre. Les croyants
auxquels nous offrons cet unique eucologe de prières
modernes, n'ont plus qu'à profiter de ses péchés,
car s'il ne les avait pas commis, il n'aurait point
écrit dans les larmes les plus beaux poèmes de repentir
et les plus belles suppliques rimées qui
existent.
Ils seraient ingrats s'ils ne priaient pour le
pauvre poète, qui, après avoir souffert pour leur
bien, en somme, leur apporte, en ces temps découragés,
un si cordial réconfort.
J. K. Huysmans.
POÉSIES RELIGIEUSES
SAGESSE
I
Bon chevalier masqué qui chevauche en silence,
Le Malheur a percé mon vieux cœur de sa lance.
Le sang de mon vieux cœur n'a fait qu'un jet vermeil,
Puis s'est évaporé sur les fleurs, au soleil.
L'ombre éteignit mes yeux, un cri vint à ma bouche
Et mon vieux cœur est mort dans un frisson farouche.
Alors le chevalier Malheur s'est rapproché,
Il a mis pied à terre et sa main m'a touché.
Son doigt ganté de fer entra dans ma blessure
Tandis qu'il attestait sa loi d'une voix dure.
Et voici qu'au contact glacé du doigt de fer
Un cœur me renaissait, tout un cœur pur et fier
Et voici que, fervent d'une candeur divine,
Tout un cœur jeune et bon battit dans ma poitrine!
Or, je restais tremblant, ivre, incrédule un peu,
Comme un homme qui voit des visions de Dieu.
Mais le bon chevalier, remonté sur sa bête,
En s'éloignant, me fit un signe de la tête
Et me cria (j'entends encore cette voix):
«Au moins, prudence! Car c'est bon pour une fois.»
II
J'avais peiné comme Sisyphe
Et comme Hercule travaillé
Contre la chair qui se rebiffe.
J'avais lutté, j'avais baillé
Des coups à trancher des montagnes,
Et comme Achille ferraillé.
Farouche ami qui m'accompagnes,
Tu le sais, courage païen,
Si nous en fîmes des campagnes.
Si nous avons négligé rien
Dans cette guerre exténuante,
Si nous avons travaillé bien!
Le tout en vain: l'âpre géante
A mon effort de tout côté
Opposait sa ruse ambiante,
Et toujours un lâche abrité
Dans mes conseils qu'il environne
Livrait les clés de la cité.
Que ma chance fût male ou bonne,
Toujours un parti de mon cœur
Ouvrait sa porte à la Gorgone.
Toujours l'ennemi suborneur
Savait envelopper d'un piège
Même la victoire et l'honneur!
J'étais le vaincu qu'on assiège,
Prêt à vendre son sang bien cher,
Quand, blanche en vêtements de neige,
Toute belle au front humble et fier,
Une dame vint sur la nue,
Qui d'un signe fit fuir la Chair.
Dans une tempête inconnue
De rage et de cris inhumains,
Et déchirant sa gorge nue,
Le Monstre reprit ses chemins
Par les bois pleins d'amours affreuses,
Et la dame, joignant les mains:
—«Mon pauvre combattant qui creuses,
Dit-elle, ce dilemme en vain,
Trêve aux victoires malheureuses!
«Il t'arrive un secours divin
Dont je suis sûre messagère
Pour ton salut, possible enfin!»
—«O ma Dame dont la voix chère
Encourage un blessé jaloux
De voir finir l'atroce guerre,
Vous qui parlez d'un ton si doux
En m'annonçant de bonnes choses,
Ma Dame, qui donc êtes-vous?»
—J'étais née avant toutes causes
Et je verrai la fin de tous
Les effets, étoiles et roses.
«En même temps, bonne, sur vous,
Hommes faibles et pauvres femmes,
Je pleure, et je vous trouve fous!
«Je pleure sur vos tristes âmes,
J'ai l'amour d'elles, j'ai la peur
D'elles, et de leurs vœux infâmes!
«O ceci n'est pas le bonheur,
Veillez, Quelqu'un l'a dit que j'aime,
Veillez, crainte du Suborneur,
«Veillez, crainte du Jour suprême!
Qui je suis? me demandais-tu.
Mon nom courbe les anges même,
«Je suis le cœur de la vertu,
Je suis l'âme de la sagesse,
Mon nom brûle l'Enfer têtu;
«Je suis la douceur qui redresse,
J'aime tous et n'accuse aucun,
Mon nom, seul, se nomme promesse,
«Je suis l'unique hôte opportun,
Je parle au Roi le vrai langage
Du matin rose et du soir brun,
«Je suis la Prière, et mon gage
C'est ton vice en déroute au loin;
Ma condition: «Toi, sois sage.»
—«Oui, ma Dame, et soyez témoin!»
III
Qu'en dis-tu, voyageur, des pays et des gares?
Du moins as-tu cueilli l'ennui, puisqu'il est mûr,
Toi que voilà fumant de maussades cigares,
Noir, projetant une ombre absurde sur le mur?
Tes yeux sont aussi morts depuis les aventures,
Ta grimace est la même et ton deuil est pareil:
Telle la lune vue à travers des mâtures,
Telle la vieille mer sous le jeune soleil,
Tel l'ancien cimetière aux tombes toujours neuves!
Mais voyons, et dis-nous les récits devinés,
Ces désillusions pleurant le long des fleuves,
Ces dégoûts comme autant de fades nouveau-nés,
Ces femmes! Dis les gaz, et l'horreur identique
Du mal toujours, du laid partout sur tes chemins,
Et dis l'Amour et dis encor la Politique
Avec du sang déshonoré d'encre à leurs mains.
Et puis surtout ne va pas t'oublier toi-même
Traînassant ta faiblesse et ta simplicité
Partout où l'on bataille et partout où l'on aime,
D'une façon si triste et folle, en vérité!
A-t-on assez puni cette lourde innocence?
Qu'en dis-tu? L'homme est dur, mais la femme? Et tes pleurs,
Qui les a bus? Et quelle âme qui les recense
Console ce qu'on peut appeler tes malheurs?
Ah les autres, ah toi! Crédule à qui te flatte,
Toi qui rêvais (c'était trop excessif, aussi)
Je ne sais quelle mort légère et délicate?
Ah toi, l'espèce d'ange avec ce vœu transi!
Mais maintenant les plans, les buts? Es-tu de force,
Ou si d'avoir pleuré t'a détrempé le cœur?
L'arbre est tendre s'il faut juger d'après l'écorce,
Et tes aspects ne sont pas ceux d'un grand vainqueur.
Si gauche encore! avec l'aggravation d'être
Une sorte à présent d'idyllique engourdi
Qui surveille le ciel bête par la fenêtre
Ouverte aux yeux matois du démon de midi.
Si le même dans cette extrême décadence!
Enfin!—Mais à ta place un être avec du sens,
Payant les violons voudrait mener la danse,
Au risque d'alarmer quelque peu les passants.
N'as-tu pas, en fouillant les recoins de ton âme,
Un beau vice à tirer comme un sabre au soleil,
Quelque vice joyeux, effronté, qui s'enflamme
Et vibre, et darde rouge au front du ciel vermeil?
Un ou plusieurs? Si oui, tant mieux! Et pars bien vite
En guerre, et bats d'estoc et de taille, sans choix
Surtout, et mets ce masque indolent où s'abrite
La haine inassouvie et repue à la fois…
Il faut n'être pas dupe en ce farceur de monde
Où le bonheur n'a rien d'exquis et d'alléchant
S'il n'y frétille un peu de pervers et d'immonde,
Et pour n'être pas dupe il faut être méchant.
—Sagesse humaine, ah! j'ai les yeux sur d'autres choses,
Et parmi ce passé dont ta voix décrivait
L'ennui, pour des conseils encore plus moroses,
Je ne me souviens plus que du mal que j'ai fait.
Dans tous les mouvements bizarres de ma vie,
De mes «malheurs», selon le moment et le lieu,
Des autres et de moi, de la route suivie,
Je n'ai rien retenu que la grâce de Dieu.
Si je me sens puni, c'est que je le dois être.
Ni l'homme ni la femme ici ne sont pour rien.
Mais j'ai le ferme espoir d'un jour pouvoir connaître
Le pardon et la paix promis à tout Chrétien.
Bien de n'être pas dupe en ce monde d'une heure,
Mais pour ne l'être pas durant l'éternité,
Ce qu'il faut à tout prix qui règne et qui demeure,
Ce n'est pas la méchanceté, c'est la bonté.
IV
Malheureux! Tous les dons, la gloire du baptême,
Ton enfance chrétienne, une mère qui t'aime,
La force et la santé comme le pain et l'eau,
Cet avenir enfin, décrit dans le tableau
De ce passé plus clair que le jeu des marées,
Tu pilles tout, tu perds en viles simagrées
Jusqu'aux derniers pouvoirs de ton esprit, hélas!
La malédiction de n'être jamais las
Suit tes pas sur le monde où l'horizon t'attire,
L'enfant prodigue avec des gestes de satyre!
Nul avertissement, douloureux ou moqueur,
Ne prévaut sur l'élan funeste de ton cœur.
Tu flânes à travers péril et ridicule,
Avec l'irresponsable audace d'un Hercule
Dont les travaux seraient fous, nécessairement.
L'amitié—dame!—a tu son reproche clément,
Et chaste, et sans aucun espoir que le suprême,
Vient prier, comme au lit d'un mourant qui blasphème.
La patrie oubliée est dure au fils affreux,
Et le monde alentour dresse ses buissons creux
Où ton désir mauvais s'épuise en flèches mortes.
Maintenant il te faut passer devant les portes,
Hâtant le pas de peur qu'on ne lâche le chien,
Et si tu n'entends pas rire, c'est encor bien.
Malheureux, toi Français, toi Chrétien, quel dommage!
Mais tu vas, la pensée obscure de l'image
D'un bonheur qu'il te faut immédiat, étant
Athée (avec la foule!) et jaloux de l'instant,
Tout appétit parmi ces appétits féroces,
Épris de la fadaise actuelle, mots, noces
Et festins, la «Science», et «l'esprit de Paris»,
Tu vas magnifiant ce par quoi tu péris,
Imbécile! et niant le soleil qui t'aveugle!
Tout ce que les temps ont de bête paît et beugle
Dans ta cervelle, ainsi qu'un troupeau dans un pré,
Et les vices de tout le monde ont émigré
Pour ton sang dont le fer lâchement s'étiole.
Tu n'es plus bon à rien de propre, ta parole
Est morte de l'argot et du ricanement,
Et d'avoir rabâché les bourdes du moment.
Ta mémoire, de tant d'obscénités bondée,
Ne saurait accueillir la plus petite idée,
Et patauge parmi l'égoïsme ambiant,
En quête d'on ne peut dire quel vil néant!
Seul, entre les débris honnis de ton désastre,
L'Orgueil, qui met la flamme au front du poétastre
Et fait au criminel un prestige odieux,
Seul, l'Orgueil est vivant, il danse dans tes yeux,
Il regarde la Faute et rit de s'y complaire.
—Dieu des humbles, sauvez cet enfant de colère!
V
O vous, comme un qui boite au loin. Chagrins et Joies,
Toi, cœur saignant d'hier qui flambes aujourd'hui,
C'est vrai pourtant que c'est fini, que tout a fui
De nos sens, aussi bien les ombres que les proies.
Vieux bonheurs, vieux malheurs, comme une file d'oies
Sur la route en poussière où tous les pieds ont lui,
Bon voyage! Et le Rire, et, plus vielle que lui,
Toi, Tristesse noyée au vieux noir que tu broies!
Et le reste!—Un doux vide, un grand renoncement,
Quelqu'un en nous qui sent la paix immensément,
Une candeur d'âme d'une fraîcheur délicieuse…
Et voyez! notre cœur qui saignait sous l'orgueil,
Il flambe dans l'amour, et s'en va faire accueil
A la vie, en faveur d'une mort précieuse!
VI
Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme,
Et les voici vibrer aux cuivres du couchant.
Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ:
Une tentation des pires. Fuis l'infâme.
Ils ont lui tout le jour en longs grêlons de flamme,
Battant toute vendange aux collines, couchant
Toute moisson de la vallée, et ravageant
Le ciel tout bleu, le ciel chanteur qui te réclame.
O pâlis, et va-t'en, lente et joignant les mains.
Si ces hiers allaient manger nos beaux demains?
Si la vieille folie était encore en route?
Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer?
Un assaut furieux, le suprême sans doute!
O, va prier contre l'orage, va prier.
VII
La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles
Est une œuvre de choix qui veut beaucoup d'amour:
Rester gai quand le jour, triste, succède au jour,
Être fort, et s'user en circonstances viles,
N'entendre, n'écouter aux bruits des grandes villes
Que l'appel, ô mon Dieu, des cloches dans la tour,
Et faire un de ces bruits soi-même, cela pour
L'accomplissement vil de tâches puériles,
Dormir chez les pécheurs étant un pénitent;
N'aimer que le silence et converser pourtant
Le temps si grand dans la patience si grande,
Le scrupule naïf aux repentirs têtus,
Et tous ces soins autour de ces pauvres vertus!
—Fi, dit l'Ange Gardien, de l'orgueil qui marchande!
VIII
Sagesse d'un Louis Racine, je t'envie!
O n'avoir pas suivi les leçons de Rollin,
N'être pas né dans le grand siècle à son déclin,
Quand le soleil couchant, si beau, dorait la vie,
Quand Maintenon jetait sur la France ravie
L'ombre douce et la paix de ces coiffes de lin,
Et royale abritait la veuve et l'orphelin,
Quand l'étude de la prière était suivie,
Quand poète et docteur, simplement, bonnement,
Communiaient avec des ferveurs de novices,
Humbles servaient la Messe et chantaient aux offices,
Et, le printemps venu, prenaient un soin charmant
D'aller dans les Auteuils cueillir lilas et roses
En louant Dieu, comme Garo, de toutes choses!
IX
Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste!
C'est vers le Moyen Age énorme et délicat
Qu'il faudrait que mon cœur en panne naviguât,
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.
Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, médecin, avocat,
Quel temps! Oui, que mon cœur naufragé rembarquât
Pour toute cette force ardente, souple, artiste!
Et là que j'eusse part—quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n'importe,—à la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,
Haute théologie et solide morale,
Guidé par la folie unique de la Croix
Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathédrale!
X
Petits amis qui sûtes nous prouver
Par A plus B que deux et deux font quatre,
Mais qui depuis voulez parachever
Une victoire où l'on se laissait battre,
Et couronner vos conquêtes d'un coup
Par ce soufflet à la mémoire humaine;
«Dieu ne vous a révélé rien du tout,
Car nous disions qu'il n'est que l'ombre vaine,
Que le profil et que l'allongement
Sur tous les murs que la peur édifie,
De votre pur et simple mouvement,
Et nous dictons cette philosophie.»
—Frères trop chers, laissez-nous rire un peu,
Nous les fervents d'une logique rance,
Qui justement n'avons de foi qu'en Dieu
Et mettons notre espoir dans l'Espérance,
Laissez-nous rire un peu, pleurer aussi,
Pleurer sur vous, rire du vieux blasphème,
Rire du vieux Satan stupide ainsi,
Pleurer sur cet Adam dupe quand même!
Frère de nous qui payons vos orgueils,
Tous fils du même Amour, ah! la science,
Allons donc, allez donc, c'est nos cercueils
Naïfs ou non, c'est notre méfiance
Ou notre confiance aux seuls Récits,
C'est notre oreille ouverte toute grande
Ou tristement fermée au Mot précis!
Frères, lâchez la science gourmande
Qui veut voler sur les ceps défendus
Le fruit sanglant qu'il ne faut pas connaître.
Lâchez son bras qui vous tient attendus
Pour des enfers que Dieu n'a pas fait naître,
Mais qui sont l'œuvre affreuse du péché,
Car nous, les fils attentifs de l'Histoire,
Nous tenons pour l'honneur jamais taché
De la Tradition, supplice et gloire!
Nous sommes sûrs des Aïeux nous disant
Qu'ils ont vu Dieu sous telle ou telle forme,
Et prédisant aux crimes d'à présent
La peine immense ou le pardon énorme.
Puisqu'ils avaient vu Dieu présent toujours,
Puisqu'ils ne mentaient pas, puisque nos crimes
Vont effrayants, puisque vos yeux sont courts,
Et puisqu'il est des repentirs sublimes,
Ils ont dit tout. Savoir le reste est bien:
Que deux et deux fassent quatre, à merveille!
Riens innocents, mais des riens moins que rien,
La dernière heure étant là qui surveille
Tout autre soin dans l'homme en vérité!
Gardez que trop chercher ne vous séduise
Loin d'une sage et forte humilité…
Le seul savant, c'est encore Moïse.
XI
Or, vous voici promus, petits amis,
Depuis les temps de ma lettre première,
Promus, disais-je, aux fiers emplois promis
A votre thèse, en ces jours de lumière.
Vous voici rois de France! A votre tour!
(Rois à plusieurs d'une France postiche,
Mais rois de fait et non sans quelque amour
D'un trône lourd avec un budget riche.)
A l'œuvre, amis petits! Nous avons droit
De vous y voir, payant de notre poche,
Et d'être un peu réjouis à l'endroit
De votre état sans peur et sans reproche.
Sans peur? Du maître? O le maître, mais c'est
L'Ignorant-chiffre et le Suffrage-nombre,
Total, le peuple, «un âne» fort «qui s'est
Cabré», pour vous espoir clair, puis fait sombre.
Cabré comme une chèvre, c'est le mot.
Et votre bras, saignant jusqu'à l'aisselle,
S'efforce en vain: fort comme Béhémot,
Le monstre tire… et votre peur est telle
Quand l'âne brait, que le voilà parti
Qui par les dents vous boute cent ruades
En forme de reproche bien senti…
Courez après, frottant vos reins malades!
O Peuple, nous t'aimons immensément:
N'es-tu donc pas la pauvre âme ignorante
En proie à tout ce qui sait et qui ment?
N'es-tu donc pas l'immensité souffrante?
La charité nous fait chercher tes maux,
La foi nous guide à travers tes ténèbres.
On t'a rendu semblable aux animaux,
Moins leur candeur, et plein d'instincts funèbres.
L'orgueil t'a pris en ce quatre-vingt-neuf,
Nabuchodonosor, et te fait paître,
Ane obstiné, mouton buté, dur bœuf,
Broutant pouvoir, famille, soldat, prêtre!
O paysan cassé sur tes sillons,
Pâle ouvrier qu'esquinte la machine,
Membres sacrés de Jésus-Christ, allons,
Relevez-vous, honorez votre échine,
Portez l'amour qu'il faut à vos bras forts,
Vos pieds vaillants sont les plus beaux du monde,
Respectez-les, fuyez ces chemins tors,
Fermez l'oreille à ce conseil immonde,
Redevenez les Français d'autrefois,
Fils de l'Église, et dignes de vos pères!
O s'ils savaient ceux-ci sur vos pavois,
Leurs os sueraient de honte aux cimetières.
—Vous, nos tyrans minuscules d'un jour,
L'énormité des actes rend les princes
Surtout de souche impure, et malgré cour
Et splendeur et le faste, encor plus minces,—
Laissez le règne et rentrez dans le rang.
Aussi bien l'heure est proche où la tourmente
Vous va donner des loisirs, et tout blanc
L'avenir flotte avec sa fleur charmante
Sur la Bastille absurde où vous teniez
La France aux fers d'un blasphème et d'un schisme,
Et la chronique en de cléments Téniers
Déjà vous peint allant au catéchisme.
XII
Vous reviendrez bientôt, les bras pleins de pardons
Selon votre coutume,
O Pères excellents qu'aujourd'hui nous perdons
Pour comble d'amertume.
Vous reviendrez, vieillards exquis, avec l'honneur,
Et sa règle chérie,
Et que de pleurs joyeux, et quels cris de bonheur
Dans toute la patrie!
Vous reviendrez, après ces glorieux exils,
Après des moissons d'âmes,
Après avoir prié pour ceux-ci, fussent-ils
Encore plus infâmes,
Après avoir couvert les îles et la mer
De votre ombre si douce
Et réjoui le ciel et consterné l'enfer,
Béni qui vous repousse,
Béni qui vous dépouille au cri de liberté,
Béni l'impie en armes,
Et l'enfant qu'il vous prend des bras,—et racheté
Nos crimes par vos larmes!
Proscrits des jours, vainqueurs des temps, non point adieu,
Vous êtes l'espérance.
A tantôt, Pères saints, qui nous vaudrez de Dieu
Le salut pour la France!
Variante au 6e vers: Avec sa fleur chérie,
XIII
On n'offense que Dieu qui seul pardonne.
Mais
On contriste son frère, on l'afflige, on le blesse.
On fait gronder sa haine ou pleurer sa faiblesse,
Et c'est un crime affreux qui va troubler la paix
Des simples, et donner au monde sa pâture,
Scandale, cœurs perdus, gros mots et rire épais.
Le plus souvent par un effet de la nature
Des choses, ce péché trouve son châtiment
Même ici-bas, féroce et long communément.
Mais l'Amour tout-puissant donne à la créature
Le sens de son malheur qui mène au repentir
Par une route lente et haute, mais très sûre.
Alors un grand désir, un seul, vient investir
Le pénitent, après les premières alarmes,
Et c'est d'humilier son front devant les larmes
De naguère, sans rien qui pourrait amortir
Le coup droit pour l'orgueil, et de rendre les armes
Comme un soldat vaincu, triste, de bonne foi.
O ma sœur, qui m'avez puni, pardonnez-moi!
XIV
Voix de l'Orgueil: un cri puissant, comme d'un cor.
Des étoiles de sang sur des cuirasses d'or.
On trébuche à travers des chaleurs d'incendie…
Mais en somme la voix s'en va, comme d'un cor.
Voix de la Haine: cloche en mer, fausse, assourdie
De neige lente. Il fait si froid! Lourde, affadie,
La vie a peur et court follement sur le quai
Loin de la cloche qui devient plus assourdie.
Voix de la Chair: un gros tapage fatigué.
Des gens ont bu. L'endroit fait semblant d'être gai.
Des yeux, des noms, et l'air plein de parfums atroces
Où vient mourir le gros tapage fatigué.
Voix d'Autrui: des lointains dans les brouillards. Des noces
Vont et viennent. Des tas d'embarras. Des négoces.
Et tout le cirque des civilisations
Au son trotte-menu du violon des noces.
Colères, soupirs noirs, regrets, tentations
Qu'il a fallu pourtant que nous entendissions
Pour l'assourdissement des silences honnêtes,
Colères, soupirs noirs, regrets, tentations,
Ah! les Voix, mourez donc, mourantes que vous êtes!
Sentences, mots en vain, métaphores mal faites,
Toute la rhétorique en fuite des péchés,
Ah! les Voix, mourez donc, mourantes que vous êtes!
Nous ne sommes plus ceux que vous auriez cherchés.
Mourez à nous, mourez aux humbles vœux cachés
Que nourrit la douceur de la Parole forte,
Car notre cœur n'est plus de ceux que vous cherchez!
Mourez parmi la voix que la prière emporte
Au ciel, dont elle seule ouvre et ferme la porte
Et dont elle tiendra les sceaux au dernier jour,
Mourez parmi la voix que la prière apporte,
Mourez parmi la voix terrible de l'Amour!
XV
Va ton chemin sans plus t'inquiéter!
La route est droite et tu n'as qu'à monter,
Portant d'ailleurs le seul trésor qui vaille
Et l'arme unique au cas d'une bataille,
La pauvreté d'esprit et Dieu pour toi.
Surtout il faut garder toute espérance,
Qu'importe un peu de nuit et de souffrance?
La route est bonne et la mort est au bout.
Oui, garde toute espérance surtout,
La mort là-bas te dresse un lit de joie.
Et fais-toi doux de toute la douceur.
La vie est laide, encore c'est ta sœur.
Simple, gravis la côte et même chante
Pour écarter la prudence méchante
Dont la voix basse est pour tenter ta foi.
Simple comme un enfant, gravis la côte,
Humble comme un pécheur qui hait la faute,
Chante, et même sois gai, pour défier
L'ennui que l'ennemi peut t'envoyer
Afin que tu t'endormes sur la voie.
Ris du vieux piège et du vieux séducteur,
Puisque la Paix est là, sur la hauteur,
Qui luit parmi les fanfares de gloire.
Monte, ravi, dans la nuit blanche et noire,
Déjà l'Ange Gardien étend sur toi
Joyeusement des ailes de victoire.
XVI
Pourquoi triste, ô mon âme,
Triste jusqu'à la mort,
Quand l'effort te réclame,
Quand le suprême effort
Est là qui te réclame?
Ah! tes mains que tu tords
Au lieu d'être à la tâche,
Tes lèvres que tu mords
Et leur silence lâche,
Et tes yeux qui sont morts!
N'as-tu pas l'espérance
De la fidélité,
Et, pour plus d'assurance
Dans la sécurité,
N'as-tu pas la souffrance?
Mais chasse le sommeil
Et ce rêve qui pleure.
Grand jour et plein soleil!
Vois, il est plus que l'heure:
Le ciel bruit vermeil,
Et la lumière crue
Découpant d'un trait noir
Toute chose apparue
Te montre le Devoir
Et sa forme bourrue.
Marche à lui vivement,
Tu verras disparaître
Tout aspect inclément
De sa manière d'être,
Avec l'éloignement.
C'est le dépositaire
Qui te garde un trésor
D'amour et de mystère,
Plus précieux que l'or,
Plus sûr que rien sur terre:
Les biens qu'on ne voit pas,
Toute joie inouïe,
Votre paix, saints combats,
L'extase épanouie
Et l'oubli d'ici-bas,
Et l'oubli d'ici-bas!
XVII
Né l'enfant des grandes villes
Et des révoltes serviles,
J'ai là, tout cherché, trouvé
De tout appétit rêvé.
Mais, puisque rien n'en demeure,
J'ai dit un adieu léger
A tout ce qui peut changer,
Au plaisir, au bonheur même,
Et même à tout ce que j'aime
Hors de vous, mon doux Seigneur!
La Croix m'a pris sur ses ailes
Qui m'emporte aux meilleurs zèles,
Silence, expiation,
Et l'âpre vocation
Pour la vertu qui s'ignore.
Douce, chère Humilité,
Arrose ma charité,
Trempe-la de tes eaux vives.
O mon cœur, que tu ne vives
Qu'aux fins d'une bonne mort!
XVIII
L'âme antique était rude et vaine
Et ne voyait dans la douleur
Que l'acuité de la peine
Ou l'étonnement du malheur.
L'art, sa figure la plus claire,
Traduit ce double sentiment
Par deux grands types de la Mère
En proie au suprême tourment.
C'est la vieille reine de Troie:
Tous ses fils sont morts par le fer.
Alors ce deuil brutal aboie
Et glapit au bord de la mer.
Elle court le long du rivage,
Bavant vers le flot écumant,
Hirsute, criade, sauvage,
La chienne littéralement!…
Et c'est Niobé qui s'effare
Et garde fixement des yeux
Sur les dalles de pierre rare
Ses enfants tués par les dieux.
Le souffle expire sur sa bouche.
Elle meurt dans un geste fou.
Ce n'est plus qu'un marbre farouche
Là transporté nul ne sait d'où!…
La douleur chrétienne est immense,
Elle, comme le cœur humain,
Elle souffre, puis elle pense,
Et calme poursuit son chemin.
Elle est debout sur le Calvaire
Pleine de larmes et sans cris.
C'est également une mère,
Mais quelle mère de quel fils!
Elle participe au Supplice
Qui sauve toute nation,
Attendrissant le sacrifice
Par sa vaste compassion.
Et comme tous sont les fils d'elle,
Sur le monde et sur sa langueur
Toute la charité ruisselle
Des sept blessures de son cœur,
Au jour qu'il faudra, pour la gloire
Des cieux enfin tout grands ouverts,
Ceux qui surent et purent croire,
Bons et doux, sauf au seul Pervers,
Ceux-là vers la joie infinie
Sur la colline de Sion
Monteront d'une aile bénie
Aux plis de son assomption.
II
I
O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour
Et la blessure est encore vibrante,
O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.
O mon Dieu, votre crainte m'a frappé
Et la brûlure est encor là qui tonne,
O mon Dieu, votre crainte m'a frappé.
O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil
Et votre gloire en moi s'est installée,
O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil.
Noyez mon âme aux flots de votre Vin,
Fondez ma vie au Pain de votre table,
Noyez mon âme aux flots de votre Vin.
Voici mon sang que je n'ai pas versé,
Voici ma chair indigne de souffrance,
Voici mon sang que je n'ai pas versé.
Voici mon front qui n'a pu que rougir,
Pour l'escabeau de vos pieds adorables,
Voici mon front qui n'a pu que rougir.
Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,
Pour les charbons ardents et l'encens rare,
Voici mes mains qui n'ont pas travaillé.
Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain,
Pour palpiter aux ronces du Calvaire,
Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain.
Voici mes pieds, frivoles voyageurs,
Pour accourir au cri de votre grâce,
Voici mes pieds, frivoles voyageurs.
Voici ma voix, bruit maussade et menteur,
Pour les reproches de la Pénitence,
Voici ma voix, bruit maussade et menteur.
Voici mes yeux, luminaires d'erreur.
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
Voici mes yeux, luminaires d'erreur.
Hélas, Vous, Dieu d'offrande et de pardon,
Quel est le puits de mon ingratitude,
Hélas! Vous, Dieu d'offrande et de pardon,
Dieu de terreur et Dieu de sainteté,
Hélas! ce noir abîme de mon crime,
Dieu de terreur et Dieu de sainteté,
Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,
Toutes mes peurs, toutes mes ignorances,
Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,
Vous connaissez tout cela, tout cela,
Et que je suis plus pauvre que personne,
Vous connaissez tout cela, tout cela.
Mais ce que j'ai, mon Dieu, je vous le donne.
II
Je ne veux plus aimer que ma mère Marie.
Tous les autres amours sont de commandement.
Nécessaires qu'ils sont, ma mère seulement
Pourra les allumer aux cœurs qui l'ont chérie.
C'est pour Elle qu'il faut chérir mes ennemis,
C'est par Elle que j'ai voué ce sacrifice,
Et la douceur de cœur et le zèle au service,
Comme je la priais, Elle les a permis.
Et comme j'étais faible et bien méchant encore,
Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins,
Elle baissa mes yeux et me joignit les mains,
Et m'enseigna les mots par lesquels on adore.
C'est par Elle que j'ai voulu de ces chagrins,
C'est pour Elle que j'ai mon cœur dans les Cinq Plaies,
Et tous ces bons efforts vers les croix et les claies,
Comme je l'invoquais, Elle en ceignit mes reins.
Je ne veux plus penser qu'à ma mère Marie,
Siège de la sagesse et source des pardons,
Mère de France aussi, de qui nous attendons
Inébranlablement l'honneur de la patrie.
Marie Immaculée, amour essentiel.
Logique de la foi cordiale et vivace,
En vous aimant qu'est-il de bon que je ne fasse,
En vous aimant du seul amour, Porte du ciel?
III
Vous êtes calme, vous voulez un vœu discret,
Des secrets à mi-voix dans l'ombre et le silence,
Le cœur qui se répand plutôt qu'il ne s'élance,
Et ces timides, moins transis qu'il ne paraît,
Vous accueillez d'un geste exquis telles pensées
Qui ne marchent qu'en ordre et font le moindre bruit,
Votre main, toujours prête à la chute du fruit,
patiente avec l'arbre et s'abstient de poussées.
Et si l'immense amour de vos commandements
Embrasse et presse tous en sa sollicitude,
Vos conseils vont dicter aux meilleurs et l'étude
Et le travail des plus humbles recueillements.
Le pécheur, s'il prétend vous connaître et vous plaire,
O vous qui nous aimant si fort parliez si peu,
Doit et peut, à tout temps du jour comme en tout lieu,
Bien faire obscurément son devoir et se taire,
Se taire pour le monde, un pur sénat de fous,
Se taire sur autrui, des âmes précieuses,
Car nous taire vous plaît, même aux heures pieuses,
Même à la mort, sinon devant le prêtre et vous.
Donnez-leur le silence et l'amour du mystère,
O Dieu glorifieur du bien fait en secret,
A ces timides moins transis qu'il ne paraît,
Et l'horreur, et le pli des choses de la terre.
Donnez-leur, ô mon Dieu, la résignation,
Toute force, douceur, l'ordre et l'intelligence,
Afin qu'au jour suprême ils gagnent l'indulgence
De l'Agneau formidable en la neuve Sion,
Afin qu'ils puissent dire: «Au moins nous sûmes croire»
Et que l'Agneau terrible, ayant tout supputé,
Leur réponde: «Venez, vous avez mérité,
Pacifiques, ma paix, et, douloureux, ma gloire.»
IV
I
Mon Dieu m'a dit: «Mon fils, il faut m'aimer, tu vois
Mon flanc percé, mon cœur qui rayonne et qui saigne,
Et mes pieds offensés que Madeleine baigne
De larmes, et mes bras douloureux sous le poids
De tes péchés, et mes mains! Et tu vois la croix,
Tu vois les clous, le fiel, l'éponge et tout t'enseigne
A n'aimer, en ce monde amer où la chair règne,
Que ma Chair et mon Sang, ma parole et ma voix.
Ne t'ai-je pas aimé jusqu'à la mort moi-même,
O mon frère en mon Père, ô mon fils en l'Esprit,
Et n'ai-je pas souffert, comme c'était écrit?
N'ai-je pas sangloté ton angoisse suprême
Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis?»
II
J'ai répondu: «Seigneur, vous avez dit mon âme.
C'est vrai que je vous cherche et ne vous trouve pas.
Mais vous aimer! Voyez comme je suis en bas,
Vous dont l'amour toujours monte comme la flamme
Vous, la source de paix que toute soif réclame,
Hélas! Voyez un peu mes tristes combats!
Oserai-je adorer la trace de vos pas,
Sur ces genoux saignants d'un rampement infâme?
Et pourtant je vous cherche en longs tâtonnements,
Je voudrais que votre ombre au moins vêtît ma honte,
Mais vous n'avez pas d'ombre, ô vous dont l'amour monte,
O vous, fontaine calme, amère aux seuls amants
De leur damnation, ô vous toute lumière
Sauf aux yeux dont un lourd baiser tient la paupière!»
III
—Il faut m'aimer! Je suis l'universel Baiser,
Je suis cette paupière et je suis cette lèvre
Dont tu parles, ô cher malade, et cette fièvre
Qui t'agite, c'est moi toujours! il faut oser
M'aimer! Oui, mon amour monte sans biaiser
Jusqu'où ne grimpe pas ton pauvre amour de chèvre,
Et t'emportera, comme un aigle vole un lièvre,
Vers des serpolets qu'un ciel cher vient arroser.
O ma nuit claire! ô tes yeux dans mon clair de lune!
O ce lit de lumière et d'eau parmi la brune!
Toute cette innocence et tout ce reposoir!
Aime-moi! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes,
Car étant ton Dieu tout-puissant, je peux vouloir,
Mais je ne veux d'abord que pouvoir que tu m'aimes!
IV
—Seigneur, c'est trop? Vraiment je n'ose. Aimer qui? Vous?
Oh! non! Je tremble et n'ose. Oh! vous aimer je n'ose,
Je ne veux pas! Je suis indigne. Vous, la Rose
Immense des purs vents de l'Amour, ô Vous, tous
Les cœurs des saints, ô vous qui fûtes le Jaloux
D'Israël, Vous, la chaste abeille qui se pose
Sur la seule fleur d'une innocence mi-close
Quoi, moi, moi, pouvoir Vous aimer. Êtes-vous fous[1],
ACHEVÉ D'IMPRIMER
Le sept mars mil neuf cent quatre PAR BUSSIÈRE A SAINT-AMAND (CHER)
pour le compte DE M. A. MESSEIN éditeur
19, QUAI SAINT-MICHEL
PARIS (Ve)
End of the Project Gutenberg EBook of Poésies religieuses, by Paul Verlaine
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